Désolations, David Vann, Gallmeister
Dans une petite ville d'Alaska, Irène, une femme en retraite, voit son quotidien bouleversé par la nouvelle obsession de son mari, un éternel insatisfait: construire une cabane sur une île et y vivre en autarcie. Plus qu'un projet, elle y voit surtout la fin de son couple, un mensonge, une échappatoire.
Ces changements provoquent en elle une angoisse, une douleur psychique et physique qui la transforme peu à peu en "junkie", en fantôme. Ils font ressurgir le souvenir du jour où, petite fille, elle trouva sa mère pendue...
Rhoda, sa fille, s'inquiète pour elle. Celle-ci s'apprête à épouser un dentiste qui lui apportera le confort et la sécurité. Mais qu'en est-il de l'amour? Peut-on faire confiance aux hommes? L'histoire familiale est-elle appelée à se répéter de génération en génération?
A part deux personnages secondaires en lien avec le futur mari de Rhoda que je n'ai pas vraiment trouvé indispensables (à mon goût), l'histoire se révèle de plus en plus forte au fil des pages, elle est écrite dans un style simple, puissant et empreint (bien sûr) de la nature sauvage de l'Alaska, personnage à part entière.
Le rapprochement avec Sukkwan Island est inévitable car on y retrouve les mêmes thèmes de prédilection de David Vann: le suicide, l'histoire familiale, la vie à l'état sauvage, la confrontation avec la nature...mais même si ce roman s'avère moins "traumatisant", je l'ai trouvé pourtant plus triste et désespéré. Il est aussi plus mature et plus approfondi tant dans la construction que sur le fond.
A noter que la dernière scène, une course dans les bois, est cinématographique au possible et je rêverai d'une adaptation au cinéma rien que pour le personnage d'Irène, cette femme mûre au bord du gouffre...Quelle sublime et terrifiante fin. Je ne m'en suis pas encore remise...
Avec ce nouveau roman, David Vann confirme un talent d'écrivain en pleine éclosion, et je ne doute pas que ses prochains livres nous conduiront encore plus loin.